François Rabelais (Chinon, 1483 ou 1484 – Paris)
Il apprend le latin, le grec et l’hébreu. D’abord moine, il quitte cette fonction, étudie la médecine à Montpellier puis est nommé médecin à Lyon (1531). Sécretaire et médecin du cardinal du Bellay, oncle du poète, il l’accompagne en Italie de 1535 à 1536. Son oeuvre, écrite en français et non en latin, est divisée en cinq livres: c’est le recit des aventures de deux géants, père et fils; Pantagruel (1532), Gargantua (1534), sont condamnés par la Sorbonne pour obscenité. Suivent le Tiers Livre (1546), le Quart Livre (1547-1552) et le Cinquiesme Livre édité en 1564, après sa mort. Cette « épopée » est un hymne à la connaissance, la liberté, l’éducation et aux plaisirs de la vie terrestre, symbolisés par la profusion de nourritures et l’énormité du rire. Rabelais est un humaniste chrétien, proche d’Érasme, qui veut reformer l’église en revenant au texte original de la Bible. Ronsard, Chateaubriand, Hugo, Flaubert rendront hommage à sa langue truculente.
François Rabelais
Le jeune géant Gargantua, fils de Grangousier, a gagné la guerre contre le roi Picrochole, avec l’aide du moine Jean. Il décide de le récompenser en lui offrant de financer « une abbaye à son idée »: l’abbaye de Thélème. Le moine demande que son abbaye soit le contraire de toutes les autres.
CHAPITRE 57
Comment était réglé le mode de vie des Thélémites
Toute leur vie était gouvernée non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre. Ils se levaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait; personne ne les éveillait, personne ne les forçait à boire, à manger, ou à faire quoi que ce soit. Ainsi avait décidé Gargantua. Et leur règle se limitait à cette clause:
FAIT CE QUE TU VOUDRAS,
parce que les gens libres, bien nés, bein éduqués, conversant en bonne compagnie, ont naturellement un instinct et un aiguillon qu’ils appellent honneur, qui les pousse à agir vertueusement et à fuir le vice. Lorsqu’ils sont affaiblis et asservis par une vile sujétions et une contrainte, ils utilisent ce noble penchant, par lequel ils aspiraient à la vertu, pour se défaire du joug de la servitude: car nous entreprenons toujours ce qui est défendu et convoitons ce qui nous est réfusé.
Rabelais, Gargantua, 1534, version modernisée.
Pour mieux comprendre:
- une abbaye: monastère où vivent des religieux.
- Thélème: dérivé d’un nom grec signifiant « désir ».
- les Thélémites: les habitants de l’abbaye de Thélème.
- une loi, un statut, une règle: un ensemble de codes d’obéissance.
- leur libre arbitre: leur libre volonté.
- une clause: règle particulière.
- bien né: qui est noble.
- un aiguillon: un stimulant, un excitant en relation avec un instinct.
- asservi par une vile sujétion: dominé par une dépendance indigne.
- un noble penchant: une belle qualité, le contraire d’un défaut, du vice.
- se défaire du joug de la servitude: se libèrer de l’oppression, l’esclavage, la domination.
- convoitons: v. convoiter, désirer avec force, envier.
Source: Littérature Progressive du Français.
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